La femme du cartographe * Robert Whitaker

J’ai été attirée par la jolie couverture de ce livre. Et le sous-titre « Une histoire vraie d’amour, de meurtre et de survie en Amazonie » a achevé de me convaincre.

En quelques lignes

1736. Une expédition de savants français, menée par Charles-Marie de La Condamine, s’embarque pour l’Amérique du Sud. Objectif: mesurer la longueur d’un degré de latitude à l’équateur. La mission dure huit ans, et pendant celle-ci Jean Godin des Odonais épouse Isabel Gramesón.

1769, Riobomba (Équateur). Isabel Godin des Odonais prend la tête d’un groupe de quarante et une personnes pour retrouver son mari qu’elle n’a pas revu depuis vingt ans. Son époux l’attend en Guyane. Entre les deux, 4 800 kilomètres, que la jeune femme va parcourir au péril de sa vie, d’un bout à l’autre du continent, à travers la cordillère des Andes et les méandres de l’Amazone.

Mon avis

Avant de commencer, une petite précision: il ne s’agit pas d’un roman mais d’une biographie, écrite comme un roman. Le livre relate des fait réels et mentionne de nombreuses références à la fin. Des gravures et cartes d’époque agrémentent le livre, apportant un vrai supplément à l’histoire.

Le titre et la quatrième de couverture sont un peu trompeurs. L’épopée d’Isabel ne commence qu’aux deux tiers du livre, toute la première partie relate l’expédition scientifique et contient de nombreux apartés sur l’histoire de la science et des civilisations. Mais selon moi, cela n’enlève rien à la qualité du livre.

L’expédition scientifique

L’expédition des savants français est complètement incroyable. Ils s’embarquent dans un périple de plusieurs années, riche en aventures: problèmes d’argent, de météo, reliefs infranchissables… rien ne leur est épargné. Leur motivation? Une hypothétique renommée, mais surtout, servir la science. Leur objectif: « déterminer la forme exacte de la terre et trancher un débat passionné – entre newtoniens et cartésiens – sur les lois physiques gouvernant l’Univers » . Il leur faudra pour cela gravir des sommets à plus de 4000m d’altitude dans la cordillère des Andes.

J’ai adoré lire toute l’histoire de la science et les débats scientifiques de l’époque. J’ai été impressionnée par ce que ces hommes ont fait pour servir la science (et parfois leur propre fortune). Ces explorateurs étaient curieux de tout et extrêmement ingénieux. Leur périple permettra de réaliser de nombreuses avancées dans les domaines de la cartographie, de l’étude des langues, de la botanique. J’ai trouvé très intéressante la technique de triangulation qu’ils mettent en place, leur permettant de réaliser une mesure du méridien très précise. Pour éviter toute erreur, l’expédition est même scindée en deux, chaque groupe effectuant ses propres mesures.

Les deux groupes avaient délimité des lignes de méridien qui s’étendaient sur plus de trois cents kilomètres, à travers un terrain montagneux et dans des conditions météorologiques épouvantables, et leur vérifications étaient exactes à quelques dizaines de centimètres près.

Quand on réalise l’effort et l’énergie dépensés par cette expédition, cela change le regard sur certaines découvertes scientifiques.

Le périple de tous les dangers

Isabel Godin des Odonais n’apparaît qu’en filigrane dans la première partie consacrée à la mesure du méridien. La deuxième partie commence en 1769, quand Isabel quitte Riobomba en Équateur pour rejoindre la Guyane et retrouver son mari qu’elle n’a pas revu depuis vingt ans. Il faut imaginer la scène: il s’agit d’un groupe de quarante et une personnes, dont des serviteurs et des porteurs (Isabel se déplace dans une chaise à porteurs), accompagnées de nombreux mulets emportant les indispensables pour une vie mondaine en France (belles tenues, argenterie, porcelaine…). Entre Riobomba et la Guyane, il y a quand même 4800 kilomètres à parcourir, les 500 premiers kilomètres étant les plus dangereux puisqu’il faut traverser la cordillère des Andes et rejoindre le tumultueux fleuve Bobonasa. Il ne reste plus ensuite qu’à descendre l’Amazone. Aux yeux d’un lecteur contemporain, il faut quand même une bonne dose d’inconscience à cette femme bourgeoise de 41 ans, qui n’a jamais voyagé, pour s’embarquer dans une telle expédition.

Cette deuxième partie relate donc l’Odyssée d’Isabel et les complications et catastrophes qu’elle a du affronter. Je suis très impressionnée par ce petit bout de femme, sa volonté à rejoindre son mari et sa résilience face aux difficultés. Le tour de force réalisée par Isabel est digne des plus grands romans d’aventure. Jean lui-même relate ainsi le périple de sa femme à La Condamine:

Si vous lisiez dans un roman qu’une femme délicate, accoutumée à jouir de toutes les commodités de la vie, précipitée dans une rivière, retirée à demi noyée, s’enfonce dans un bois, […] et y marche plusieurs semaines, se perd, souffre la faim, la soif, la fatigue, jusqu’à l’épuisement, voit expirer ses deux frères […], qu’elle se relève, se remet en chemin couverte de lambeaux, errante dans un bois sans route, jusqu’au huitième jour qu’elle se retrouva sur le bord du Bobonasa, vous accuseriez l’auteur du roman de manquer à la vraisemblance; mais un historien ne doit à son lecteur que la simple vérité.

Avec le recul, on peut quand même se demander pourquoi un tel choix d’itinéraire…

En bref

Coup de cœur pour cette biographie remarquable qui se lit comme un roman. Elle livre le récit d’une fascinante expédition scientifique en Équateur et de l’aventure incroyable et méconnue d’une femme à travers la jungle pour retrouver son mari. J’ai adoré lire cette biographie, découvrir le parcours d’Isabel et en savoir plus sur les challenges scientifiques et techniques du XVIIIème siècle. Je l’ai même lue une deuxième fois pour bien en saisir toutes les subtilités.


Références :

  • Titre: La femme du cartographe
  • Auteur : Robert Whitaker
  • Editeur: Payot et Rivages
  • Nombre de pages: 390
  • Année de parution: 2018
  • Version originale: The Mapmaker’s Wife (2004)

2 commentaires sur “La femme du cartographe * Robert Whitaker

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